- Posted on 01/03/2023
- By Hope
Père manquant, fils manqué
Quelle sont les conséquences de l’absence affective du père sur le fils ?
Guy Corneau nous propose de comprendre les comportements de certains hommes qui ont, durant leur enfance, manqué de père…
Comment l’absence affective du père peut avoir de fâcheuses conséquences sur le fils.
L’époque moderne écarte les pères de leurs fils, ces derniers n’ont plus de figure paternelle, celle qui fait la balance nécessaire entre le féminin et le masculin.
Depuis l’ère industrielle, les pères sont passés de la ferme et des champs au bureau et à l’usine. Pendant ces décennies les garçons ont donc été éduqués principalement par leurs mères.
Malgré toute la bonne volonté de ces dernières, certains aspects d’une personnalité complète, comme la masculinité, n’ont pas pu être transmises au garçons.
Même si le père était physiquement présent, c’est le contact et la communication entre eux et leurs fils qui a été diminué, déséquilibrant la complétude et l’éducation de l’enfant.
Ce manque peut générer quelques particularités du caractère du jeune garçon, surtout si celui-ci ne retrouve pas une figure paternelle, autre que le père biologique, dans son entourage.
Le triangle père-mère-enfant
Dans le triangle familiale papa-maman-enfant, mères et pères ont une symbolique différente et nécessaire.
Les femmes vont plutôt transmettre le partage, la sécurité, la communication et la sensibilité alors que les hommes vont plutôt transmettre l’autorité, la découverte et l’aventure en prenant des risques. Chacune de ses particularités est importante pour l’enfant ! Pour être complet, ce dernier doit pouvoir s’identifier autant à la mère qu’au père.
Le garçon doit se sentir supporté de l’intérieur, autrement dit il doit avoir le sentiment d’avoir une colonne vertébrale. L’absence du père créé un complexe paternel négatif. Une fois adulte, il a des idées confuses, il a des difficultés à se fixer un but, à faire des choix, à reconnaitre ce qui est bon pour lui et a de la peine à identifier ses propres besoins.
Il mélange l’amour avec la raison, ses appétits sexuels avec ses besoins affectifs. Il a de la peine à se concentrer parce qu’il est attiré par des détails périphériques sans importance. Tous ces doutes créent un désordre interne et il ne se sent jamais sûr de quoi que ce soit.
Ces fils manqués évitent de ressentir leur grande soif d’amour et de compréhension, leur profond besoin d’être touchés, d’aimer et d’être aimés.
Ainsi leur vulnérabilité est difficile à assumer.
Les profils psychologiques
Ceci explique facilement certains comportements « bizarres » des hommes qui souhaitent, inconsciemment, combler ces manques et qui vont adopter des attitudes qui nous font froncer les sourcils. Pour parer à ce profond inconfort, le garçon va tenter de compenser ce manque par des éléments extérieurs, il va se faire une identité compensatrice en adoptant un des sept profils suivants :
1 – Le héro
Esprit pointu, fier, fort, musclé.
Il aime faire la fête, être le centre d’intérêt et se mettre en avant. Il se sent responsable du sort des autres et il se nourrit d’admiration. Il souffre de culpabilité terrible à l’égard du père qu’il pense avoir trahit en répondant à l’idéalisation de la mère. Il va s’entourer de femmes et ses relations avec les hommes seront troubles et ambigües. Il réprime son agressivité et sa sexualité quand il est exposé à l’opinion publique.
Pour guérir, la tâche du héro sera d’accepter qu’il laisse voir ses besoins réels.
2 – Le bon garçon
Gentil, poli, courtois, jamais agressif.
Il ne dit jamais un mot plus haut que l’autre, il doit toujours être bon et compréhensif, même lorsqu’on abuse de lui. Son comportement ne doit surtout jamais faire pleurer sa mère ! S’il doit affronter quelqu’un, il sera anxieux rien qu’à l’idée de le faire et s’il y parvient il sera alors rongé par la culpabilité d’avoir « parlé fort », d’avoir « blessé » l’autre et il y perdra de son estime. Il rejettera la faute sur les autres si sa demande est refusée. Il vit constamment dans le regard des parents qui ne sont plus là, avec ses yeux d’enfant. C’est dans l’enfance qu’il a appris la stratégie de refouler toute révolte ou agressivité qui auraient pu l’exclure de l’affection des parents. La peur de s’imposer mélangée à sa colère intérieure le rendra très certainement passif-agressif. Son rapport avec le père est inexistant et il répond à cette indifférence… par de l’indifférence.
Pour guérir, le bon garçon doit utiliser son vice caché tel que le jeu, la vitesse, le sexe, la paresse ou la gourmandise qu’il devra assumer totalement, sans compromis, jusqu’à ce qu’il perde la face et qu’il puisse enfin assumer qui il est. Il fera alors ce dont il a peur et tolérera sa culpabilité. Il doit accepter que la souffrance vienne de lui.
3 – L’éternel adolescent
Allure cool, spirituel, en quête de grands trips, vogue de femme en femme et d’intérêt en intérêt.
Pour lui, la société est grise et tout le monde est uniformisé, mis en boîte. Il est convaincu de son génie et de sa supériorité, surtout par rapport à la « classe moyenne ». Il vit dans ses rêves et ses fantasmes. Il veut être aimé inconditionnellement pour son potentiel mais pas pour ses actes. Ses supports créatifs sont l’alcool et les drogues, qui peuvent devenir ses compagnons de solitude. Il n’appartiendra jamais à une autre femme que sa mère et ne sera jamais enraciné dans une relation. Quand son Moi ne s’attache pas à réaliser ses rêves et à les intégrer à la réalité, il devient prisonnier d’une adolescence éternelle.
Pour guérir, l’éternel adolescent doit s’encourager à réaliser toutes ses fantaisies et à acquérir tous les moyens pour y parvenir, jusqu’au bout.
Même s’il échoue.
4 – Le séducteur
Timide ou dragueur au grand sourire, charmant, dominant.
Il serait à la recherche de sa mère en chaque femme mais en réalité il évite les femmes qui ressemblent à sa maman. Si sa mère était dure alors il cherchera une femme douce, et inversement. En réalité il cherche surtout la mère idéale, la femme qu’il élèvera au rang de déesse et qui sera à la fois mère, épouse et maîtresse. Ne la trouvant pas il s’attache à des femmes qui ressemble à sa mère dans l’espoir de recevoir ce qu’il n’a pas obtenu d’elle pour guérir une incommensurable blessure d’amour, devenant alors prisonnier de la répétition. S’il a besoin de tendresse, il ira vers une femme froide et distante qu’il tentera de conquérir pour qu’elle lui livre, enfin, sa douceur. Les femmes libres lui font peur, il sera souvent attiré par les femmes déjà engagées. Il butine de femme en femme, en les quittant une fois la fascination des premiers moments tombée.
Pourquoi les femmes sont-elles sensibles à son charme ?
Pour l’ardeur de sa quête, pour sa fougue, pour ses belles paroles, elles savourent l’attention qu’il leur porte. Mais c’est surtout parce qu’il sait reconnaître ce que chaque femme a d’unique, ce petit rien que les autres hommes semblent ignorer. Ce séducteur la reconnaît dans son individualité et dans sa féminité puisque c’est précisément cela qu’il recherche précieusement. Une fois touchée et acceptée dans tout son être, cette femme sera abandonnée par la volonté du séducteur de s’enfuir avec le souvenir de ce qui lui a plu en elle. Il brisera alors bien des couples et des cœurs. Les séducteurs sont de grands sensibles qui n’assument pas leur sensibilité, ils portent alors une carapace de chasseur pour les aider à vivre.
Pour guérir, le séducteur doit se mettre en communion profonde avec l’univers, la nature, et prendre conscience de sa recherche impossible.
5 – L’homme rose
Féministe, il est très sensible aux revendications des femmes.
Ayant très peur d’être abandonné, il accomplit des gestes de bonne volonté pour recevoir de l’affection maternelle. Il utilise le féminisme pour s’attribuer la faveur des femmes. Dès qu’il n’est plus dans le regard de sa partenaire, il n’existe plus et le monde s’écroule, il tombe dans le vide et redevient un enfant capricieux et querelleur, donc un petit de plus dans les bras de la femme. Il a peur d’être abandonné et a le désir ardent d’être payé d’affection maternelle pour chaque geste de bonne volonté qu’il accomplit. Son féminisme est une tentative pour plaire aux femmes et s’assurer leurs bonnes grâces. S’il ne s’est pas affranchi de sa mère, sa force de vie, la libido, demeure enchaînée au complexe maternel et il ne pourra ainsi jamais aimer une autre femme. Il ne peut donc pas faire le sacrifice de ses besoins pour répondre à ceux de l’autre.
Lorsque leur femme est enceinte ou accouche, là où elle a le plus besoin de soutien, c’est là que l’homme rose va la tromper et la quitter, naissance d’un père absent de plus.
6 – Le révolté
Délinquant, alcool, drogue, « de la rue »
Il représente cette force indomptée, non orienté par le père. Il répond au mal qu’on lui a fait, par le mal. Son modèle n’a pas été celui du père alors il suit un modèle machiste : pouvoir, mépris des femmes et hiérarchie absolue. L’alcool lui sert de substitue symbolique à l’affection. Il est en proie à des pulsions agressives qu’il n’arrive pas à maîtriser, pouvant aller jusqu’au meurtre, pour prouver sa virilité. Il supporte une douleur sans savoir pourquoi. Le rôle du père était, dans les initiations tribales, de donner un sens à la souffrance.
Les adolescents, pour devenir des hommes, devaient apprendre à tolérer la douleur et à la maîtriser. Ces blessures infligées volontairement par les pères symbolisaient les futures souffrances de la vie.
Aujourd’hui le sens de la souffrance s’est perdu, les pères ne la transmettent plus parce qu’ils ont basculé dans le confort. Ces derniers la fuient lorsqu’ils abandonnent femmes et enfants.
7 – L’homosexuel
Nous nous servons des homosexuels comme boucs émissaires de nos malaises face à la sexualité.
Le nombre croissant d’homosexuels pourrait être la conséquence directe d’une société qui interdit à l’homme d’être aussi sensible que la femme. Les premières expériences se sont produites à des moments propices et ont orienté tout le développement sexuel. Durant l’adolescente, l’homosexuel a pour motivation le besoin d’explorer son pareil avant d’affronter la femme. Période vulnérable, ils doivent changer de pôle d’identification. La nécessité de ce changement rend l’intimité masculine fragile et peut servir de refuge. Lorsque le père est manquant, ce passage est risqué, le jeune homme peut rester identifié au féminin. Si les hommes dénigrent les homosexuels, c’est pour tenir à distance ce qui les menace de l’intérieur. Cela peut être une recherche du père dur, fort, recherche qui se déroule sur le terrain de la sexualité et de la séduction. L’amour de soi absolu, cette phase essentielle où l’on se croit le centre du monde à la naissance, est fortement ébranlé par la découverte de la différence des sexes. Cette blessure peut être guérie ainsi que l’estime de soi restaurée, s’il y a admiration envers le parent du même sexe et surtout si ce dernier répond par une admiration similaire. L’absence du père ne donne pas lieu à cette histoire d’amour pour le jeune garçon, il demeure donc incertain de son identité et de son altérité parce que la réalité de l’autre lui fait peur.
Plusieurs homosexuels ont vu des scènes violentes entre leurs parents et ont vu leur mère se faire brutaliser par le père. Ces fils deviennent alors gardiens et sauveurs d’une mère en difficulté, se tisse alors un lien qui les attachera au corps de leur mère, les plongeant dans la peur d’être dévorés et dans la frayeur de toucher une autre femme.
Narcisse, le mythe
Narcisse n’a pas été cet homme qui s’aime trop ou qui n’aime que lui, contrairement aux versions récentes de ce mythe. Il a simplement été quelqu’un qui manquait d’amour parce qu’il n’en n’avait pas reçu dans son enfance, pas assez pour prendre confiance en lui et se croire signe d’estime des autres. Sa propre richesse n’a pas été assez reconnue par sa propre famille. Sa quête d’amour est inconsciente, il cherchera à plaire à tout prix pour remplir cet espace vide. Le reflet de Narcisse dans l’eau est une image de recherche de miroir pour y voir une lueur de reconnaissance dans le regard des autres. Pour être aimé, Narcisse doit se mouler au désir de l’autre, il suit donc un faux développement pour s’adapter à son environnement. Il vivra tendu, crispé, incapable de s’abandonner par peur d’être puni. Pour éviter d’être en contact avec son propre vide, il n’admettra jamais son besoin des autres. Si les autres le voient beau alors sa confiance sera à la hausse, et à la baisse si leur regard sera négatif.
La peur de l’intimité sexuelle
L’absence du père créé la crainte du corps de la femme, parce que le fils n’a pas eu la chance d’être séparé de sa mère. Certains hommes ont plus de facilité à admettre un problème d’impuissance sexuelle qu’à admettre leurs vulnérabilités qui se cachent derrière cette impuissance. Les caresses peuvent faire du mal parce qu’elles éveillent de vieilles blessures enfouies liées au désir d’affection qui a été négligé.
Dans notre enfance où la sexualité était taboue, régnait la négation du désir. La sexualité est donc devenue une ombre, qui est allée se réfugier dans la pornographie. C’est dans ce monde que l’homme va chercher le miroir manquant de sa virilité. Ces femmes soumises et nues leur renvoient une image de lui-même puissante et virile. L’homme va alors pratiquer un rituel de rééquilibration narcissique, de rééquilibration d’amour et d’image de soi : la masturbation.
C’est un monde dominé par des fantasmes puissants qui exercent une fascination pour oublier la réalité sociale. Les femmes rejettent ce monde parce qu’elles ne sont pas respectées, étant exploitées par l’image qu’on leur donne. L’homme vit à ce moment-là des rapports symboliques, un sentiment de fusion dans l’autre, comme un rapport amoureux, au-delà de la sexualité. Sentiment qu’il ne se permet pas d’obtenir dans une réelle relation.
Il s’agit d’une sexualité mâle, crue, directe, que l’homme n’ose pas porter devant la femme parce qu’il est convaincu qu’elle est honteuse. Ils doivent faire preuve de maturité pour assumer leur besoin de « crudité virile » dans leurs rapports sexuels. Dès qu’ils enlèvent leurs habits, ils perdent leur spontanéité animale et se rabattent alors sur les prouesses techniques. Pourtant l’échange réel naît quand un homme se permet des audaces, quand il se permet « d’aimer ça », cette spontanéité est la base même de l’Eros que la femme recherche dans l’homme. Cette adoration de la femme dont ils font preuve en rêvant de ces femmes à distance ferait rêver beaucoup leurs partenaires. Nos histoires d’amour deviennent des champs de bataille où nous livrons des luttes de pouvoir, personne ne cédera aux fantasmes de l’autre. C’est une impasse. La pornographie prolifère, la rage des femmes monte et l’impuissance des hommes règne.
Pourquoi les rapports dominés par l’érotisme devraient-ils toujours êtes vécus dans la culpabilité et le silence ? Pourquoi n’est-il pas possible d’assumer notre désir et notre sexualité ? Pourquoi y a-t-il toujours un grand malaise autour de cette force ? Pourquoi avons-nous du mal à reconnaitre cette divinité à Aphrodite, cette réelle force psychique ? Freud affirme que la sexualité est la force qui nous relie au monde, qui nous oblige à sortir de nous-même, pourquoi ne pas la célébrer et l’entourer de poésie ? Le Kama Sutra cultive l’art des positions comme une union vers l’Être Suprême. Certains temples indiens exhibent les amours des dieux et des déesses. Les japonais, par leurs images érotiques, témoignent de la haute valeur accordée à l’acte sexuel. Même la Bible, dans le « Chant de Salomon », célèbre les amours humaines.
Le chemin de la guérison passe par l’acceptation profonde de l’être sexuel, sans contrôle et sans répression. Au lieu de diminuer l’importance de la sexualité, il faut l’amplifier pour la comprendre. Refuser Aphrodite, c’est s’amputer de toute notre capacité de relation au monde et à sa merveilleuse beauté. La saluer permet une érotisation de notre rapport à l’univers, une ouverture des sens et de la sensualité, dans la perspective d’une vivification qui donne l’envie d’être en relation. Pour les hommes, le corps de la femme est fascinant, l’a toujours été et le sera toujours. La raison en est simple : nous sortons de là.
Nous avons méprisé Eros, méprisé l’intimité amoureuse et notre propre besoin d’elle, oubliant que nos entreprises perdent de leur sens lorsque ce n’est pas vers la femme que vont nos vœux.
Le problème fondamental de l’intimité semble être la difficulté de s’abandonner et de faire confiance à l’autre. Nous seulement s’abandonner à l’autre, mais demeurer en contact avec soi-même tout en étant en rapport avec l’autre. Dans l’intimité sexuelle, les hommes veulent souvent donner du plaisir à leurs partenaires ou en recevoir. Ils veulent agir. Mais pour donner du plaisir à l’autre, il faut être dans le plaisir soi-même. Ne s’agit-il pas d’être, avec l’autre, dans le plaisir ? D’habiter le plaisir ensemble, de le partager ? Le plaisir n’est-il par une contrée qui se traverse à deux ?
Pour sortir de l’impuissance, qu’elle soit sexuelle, physique ou sentimentale, il faut prendre le risque d’être en rapport avec son propre désir et avec son propre plaisir sous le regard de l’autre. Le jeu peut naître entre les partenaires quand il y a cet abandon. Alors l’intimité attendue, cette participation aimante de l’un et l’autre, cet accompagnement mutuel peut voir le jour.
Nos différences peuvent donner lieu aux violences et aux abus de pouvoir les plus insensés. Mais elles peuvent surtout servir de nourriture à l’amour. Le masculin et le féminin ne sont que des façons différentes d’appréhender la réalité, une objectivité de la nature à laquelle il est bon de se plier. L’attirance, le désir exigent que je ne sois jamais tout à fait pareil à toi, femme, pour que nous puissions nous perdre et nous reconnaitre l’un dans l’autre, dans notre continuité profonde, là où il n’y a plus de soumis ni soumise, là où, pendant de courts instants, règnent la liberté et la grâce d’être soi-même, ensemble. Alors nous sommes liés parce qu’il y a de plus profond, enfin délivrés, ne sachant plus où commence et où l’autre finit. Nous voici enfin devenus intimes.
En raison de la production massive de testostérone, l’adolescent a son système hormonal 100x plus rapide que celui de la femme, il aura donc plus de tendances agressives. Son système est ainsi dire trop chaud, trop actif et il se trouvera dans la nécessité de maîtriser ses pulsions en cultivant un certain détachement, une certaine froideur afin de ne pas être soumis trop souvent à des bouleversements d’équilibre.
Chez les hommes, l’impétuosité, cette force d’affirmation, ce besoin de se battre et de « forcer contre quelque chose » pour parvenir à s’épuiser et arriver ainsi à connaitre un peu de paix et de tranquillité. Qu’il s’agisse d’efforts physiques ou intellectuels, les hommes ont un plaisir féroce à se mesurer. Il y a quelque chose d’agressif dans le système de l’homme, quelque chose d’impulsifs, qui l’agresse lui-même et auquel il ne peut échapper. Comme une énergie qui pourrait mener à une affirmation dosée et bien adaptée, comme on parle d’énergie sexuelle.
Chez l’adolescente, le sens de la réflexion l’emportera sur l’impulsion à l’action, autrement dit l’« être » comptera plus que le « faire ». Les hommes trouvent dans le combat, cette intensité de vie qu’ils ne trouvent nulle part ailleurs. Les femmes trouvent dans leur capacité de porter et de mettre au monde, cette même intensité de vie.
Homme ou femme, rien ne rend la vie plus précieuse que le fait de risquer de la perdre.
Développer sa masculinité signifiera pour une femme le développement de son esprit d’initiative et de sa capacité de trancher dans ce qui semble organiquement lié et naturel. L’intériorisation diminuera donc au profit de l’action et des risques. Intégrer sa féminité signifiera pour un homme le développement d’une capacité d’intérioriser et de recevoir : réfléchir avant d’agir. Une mise en perspective du « faire » au profit du monde de l’« être pour le plaisir d’être », une capacité de goûter aux cycles naturels, aux plaisirs des relations et de réaliser – ô surprise – qu’il a un corps.
L’agressivité
Lorsque des parents trop autoritaires ne peuvent tolérer la colère ou l’agressivité d’un enfant, le fils refoule ce dynamisme brut. Cette énergie sortira alors :
– contre lui-même : une haine de soi et un sentiment de culpabilité
– contre un bouc émissaire : une personne plus faible que lui, « inférieur »
– transformée en culte de l’oppresseur
– érotisée : la sexualité et l’agressivité seront liées, fantasmes et pratiques sado-maso.
Le dynamisme est l’un des fondements de l’identité masculine. Un homme doit accepter de se reconnaitre dans le dieu Phallos pour sentir la qualité d’énergie qui le différencie essentiellement de la femme. Malheureusement certains hommes s’en retrouvent prisonnier : le père absent ne leur a favorisé ni le contact ni la maitrise de cette agressivité naturelle.
Qu’il le veuille ou non, chaque homme doit passer par la porte étroite de l’ombre qu’il porte intérieurement. Il doit aller se tremper dans son fond archaïque. La prise de conscience de cette ombre est la seule solution possible pour amener un homme à la maitrise de cette force potentielle qu’est l’agressivité. Nous ne pouvons contrôler que ce que nous connaissons intimement, avec nos tripes, de plus profond de notre cœur.
Jung dit : « Il est préférable d’admettre l’affect et de se soumettre à sa violence plutôt que de tenter de lui échapper au moyen de toute sortes de trucs intellectuels ou de jugements de valeur. La violence de l’affect doit pénétrer jusqu’au cœur de l’homme, et il doit succomber à son action. Mais il devrait savoir ce qui l’a affecté, car, de cette façon, il transforme en connaissance l’aspect aveugle de la violence de l’affect d’une part, et la nature même de cet affect d’autre part. »
Il faut que les hommes qui ont manqué de père et qui, par conséquent, ont refoulé leur agressivité commencent à apprivoiser l’homme primitif qu’ils portent en eux-mêmes. Ce que nous refusons en nous, ce à quoi nous refusons d’acquiescer finit par se présenter à nous de l’extérieur en épousant la forme de destins tragiques. Divorces, accidents d’auto, faillites commerciales, renvois, etc… autant de violences qui nous sautent au visage lorsque nous refusons de voir qu’il s’agit d’une partie de nous-mêmes. C’est le malfaiteur en nous qui continue sa petite affaire, à sa manière, d’une façon bien autonome, pendant que nous exhibons nos larmes ou nos sourires. Ce malfaiteur est en liberté dans l’inconscient parce que nous lui avons fermé la porte de notre conscience, cette énergie a le pouvoir de nous posséder parce que nous la réprimons. Nous avons du mal à comprendre que l’agressivité s’est pervertie parce que nous avons rejeté sa force au lieu de lui trouver un canal acceptable. Parce que nous refusons « d’avoir » de l’agressivité, c’est l’agressivité qui nous « a ». A la moindre frustration, la brute reprend ces droits : violence verbale, violence physique, froideur extrême à l’égard de l’autre. Freud parlait des pouvoirs du « ça ». Donc « ça » sort, « ça » s’exprime, grâce à nous ou malgré nous…
Prendre conscience de l’homme primitif qui sommeille est un passage nécessaire dans la quête d’un pouvoir personnel d’autonomie et d’affirmation, ainsi que dans l’acquisition d’une sécurité intérieure.
La plupart des violences conjugales naissent ainsi : l’impulsion qui pousse à frapper l’autre pour cacher une impuissance ou un désespoir vient comme l’éclair et s’empare de l’être tout entier pour le soumettre à sa force, d’une façon complétement irrationnelle. Le Moi n’a pas pu contenir l’assaut des forces intérieures et l’individu est passé à l’acte pour se décharger de l’insoutenable tension. C’est la violence qu’on regarde, horrifié, le lendemain, et que l’on cache dans un inconscient jusqu’au prochain éclat de voix, jusqu’à la prochaine volée de coups.
Comment assainir l’agressivité qui s’est transformée en hostilité ou en rage intérieure ? Comment nettoyer ou laver cette énergie ? Comment produire une catharsis qui va permettre l’expression de la violence et des sentiments négatifs et autoriser du même coup la récupération des forces saines de l’agressivité ? Il s’agit de créer des lieux et des moments privilégiés de contact avec l’émotion réprimée, qu’il s’agit de la contenir dans des formes symboliques, qu’il s’agit d’aller, en fantasme, jusqu’au bout de l’intensité émotive pour qu’elle livre son jus et nous laisse entrevoir ce qui nous possède. Pour transformer l’agressivité en connaissance de soi, il s’agit donc de « consentir au monde fantasmatique », de recevoir sans juger ce qui se trame en soi. Ceci constitue le premier pas vers l’intimité. Ces rêves éveillés, ces imaginations actives, à la condition qu’ils soient vécus intensément et de façon émotive, deviennent de véritables expériences psychiques, de véritables « événements » dans la vie d’un individu. La rencontre de cette ombre donne du poids à l’homme, le définit. L’ombre le met en face d’un choix, d’un devoir vis-à-vis de son hostilité réprimée : maintenant qu’il sait jusqu’où ça va, jusqu’où ça peut aller, il en est responsable.
Le terrible mystère est là : un homme n’est pas un homme tant qu’il n’a pas touché son énergie brute et sauvage, tant qu’il n’a pas touché aussi bien au plaisir de se battre qu’à sa capacité à se défendre. La rage aveugle peut alors se transformer en pouvoir de s’engager, de tolérer des tensions et de trancher des questions, la capacité de mettre à distance peut devenir un pouvoir de discernement, un nouveau goût d’explorer voit le jour.
Un sentiment de sécurité interne se développe : on sait que, quelle que soit la situation, si ça tourne mal, une énergie en nous, une ressource fondamentale fondée dans l’agressivité, pourra nous aider à nous en sortir.
Toucher au dynamisme masculin, et maîtriser ce pouvoir est ce qui permet à l’homme de pénétrer le monde de la femme, au sens littéral comme au sens figuré. Tant qu’un homme ne sait pas qu’il peut utiliser autre chose que la douceur mielleuse ou la violence aveugle pour se défendre, il ne pourra être pleinement en relation avec l’autre sexe. Pour être en mesure de s’abandonner à l’intimité du couple, il doit se sentir capable de survivre au rejet, ou de partir de lui-même si cela s’avère nécessaire.
Le guerrier Mars, élevé au rang de dieu par les Grecs et les Romains, est un moteur psychique de premier ordre. Il fait bouger les choses, provoque des confrontations pour forcer les humains à sortir de la stagnation. Mars est une force vitale, un coup de tonnerre, un éveilleur, il est le printemps qui secoue la Terre. Il vit dans la discipline, il s’attache à maîtriser sa peur, il respecte son adversaire et sait en apprécier la valeur. Il possède une éthique du combat et un code moral. Il a également un côté voluptueux, celui-ci transparaît dans la beauté de ses habits, le poli de ses armes. Le monde se « psychologise » et Mars se « psychologise » lui aussi. Le goût de briller, de se dépasser et de se maîtriser s’intériorise et contribue à réveiller le guerrier intérieur. Il peut nous mettre sur la piste de l’ardeur, sur la piste du déferlement de la vie en nous. Réveiller le guerrier intérieur, c’est éveiller dans son être le pétillement et la fierté. Mars peut nous aider à nous débarrasser de nos mauvaises habitudes ou de notre paresse physique et intellectuelle, il peut nous aider à retrouver la fureur de vivre et l’élan vital.
Mars est l’amant de Vénus, elle aime l’ardeur de la vie en lui. Il lui apporte l’étincelle vitale qui la fait briller de tous ses feux. L’enfant qui naîtra de leur union s’appellera Harmonie.
Le guerrier peut devenir cet accompagnement intérieur vers l’harmonie, l’harmonie avec nos lois physiques et psychiques, l’harmonie avec notre environnement naturel et culturel. Mars, l’éveilleur, connait le chemin vers l’harmonie et, pour y parvenir, il passe par l’amour. Cela veut dire qu’un effort accompli sans amour, une ardeur déployée sans plaisir ne conduisent pas à l’harmonie.
Se battre pour livrer le meilleur de soi-même et l’expérimenter est la source même de la paix et de l’amour de soi. La belle Vénus attend éternellement l’homme éveillé en nous, elle lui prodigue alors tous ces charmes et toutes ses beautés. Vénus reçoit Mars dans ses bras, le guerrier devient amour.
Quand nous sommes au faîte de notre ardeur, Vénus nous apparaît et ravit notre corps et notre esprit. Ce qui se traduit par des états mentaux de bonheur et une sensation d’harmonie. Nous sommes bien loin alors de toutes ces gymnastiques morales et intellectuelles qui prêchent l’amour universel. L’Amour n’existe pas sans l’éveil du guerrier, l’amour passe par Mars, c’est alors qu’il devient harmonie.
On peut donc se sermonner toute sa vie, se sermonner les autres sur le sens de l’amour, tant qu’on est confortablement assis, le ventre bien rond, devant sa télévision, il ne se passe rien, la vie demeure vide de sens. Et il est également vide de sens pour nos partenaires de vivre avec un homme qui manque de vigueur. Ce n’est pas seulement la Vénus intérieure que l’on rencontre quand on donne le meilleur de soi, quand on éveille la vigilance et le plaisir de se dépasser, c’est aussi la Vénus extérieure, l’amoureuse en attente chez nos partenaires.
Guérir
L’homme doit prendre le risque de s’affirmer, il va se rendre compte, avec stupéfaction, qu’au lieu d’être rejeté il sera respecté. Il se demandera alors pourquoi il a passé tant d’années à se cacher.
En montrant son ombre, il sort lui-même de l’ombre. Il réalise qu’il n’a pas de honte à avoir connu la pauvreté dans on enfance, ou à avoir eu un père alcoolique. Il sait maintenant que ses humeurs ont une histoire, une histoire qu’il comprend et dont il peut répondre. S’il n’est pas responsable de son destin objectif, il est responsable d’en tirer un sens pour sa propre vie. Le chemin de la responsabilité est le chemin de la liberté. S’il se comprend et s’accepte lui-même, il se sentira plus apte à accepter les conséquences de ses actes. Il n’aura plus besoin de quémander sans cesse de la compréhension des autres, ou à se montrer servile pour l’obtenir. Mais la prise de conscience de l’ombre vient briser à tout jamais l’idéal de perfection de l’individu et celui-ci va réaliser qu’il ne sera jamais parfait, qu’il n’aura tout simplement pas assez de sa vie pour changer tout ce qu’il n’aime pas en lui. Ne serait-il pas préférable de changer de niveau et de cultiver une attitude d’acceptation globale de ce que l’on est ? Paradoxalement le changement devient souvent possible lorsqu’on n’y tient plus.
Le détachement de soi permet à un être de goûter profondément à l’existence, aux personnes qui l’entourent et à sa propre personnalité. Loin de produire une distanciation de la vie, le détachement permet de s’y engouffrer profondément. Dans un monde où il n’a plus besoin de marcher sur des œufs, il peut respirer.
La grande leçon du passage par l’ombre est la tolérance. La découverte de sa propre vulnérabilité rend un être plus tolérant envers les faiblesses de ceux qui partagent sa vie. Le constat de son irrémédiable dépendance lui permettra de supporter celle des autres vis-à-vis de lui. Le monde de la gratitude s’ouvre à lui parce qu’il sait que rien ne lui est dû et que malgré tout, gratuitement, quelqu’un lui tend la main.
Thérapie
Il n’y a pas de mûrissement psychologique sans un long et lent travail sur soi. Si une thérapie brève peut colmater une crise, il ne faut pas oublier que le but à long terme de toute thérapie qui se respecte est le développement chez l’individu d’une capacité de relation spontanée avec lui-même et avec les autres.
Il est illusoire de penser que l’on peut corriger en quelques semaines ce qui a pris des années à se cristalliser. Pour être efficace, une thérapie doit toucher le monde des émotions et toucher aux sentiments. Si elle ne vous dérange pas, dans un sens agréable ou désagréable, c’est qu’elle n’en vaut pas la peine. Ce qui rend la thérapie difficile, compliqué et douloureuse, c’est notre résistance à accepter ce qui vient des profondeurs de notre être.
Dans la thérapie, il ne s’agit pas tant de « faire quelque chose » que de se laisser travailler par les différentes âmes qui nous habitent. En laissant monter ce qu’il y a en lui, en s’y abandonnant de plus en plus, un individu retrouve son centre. Il reprend alors le cours de la vie qui doit être la sienne. Il est impossible de changer tout ce que l’on voudrait changer chez soi. La plus grande amélioration est celle qui permet à un être de commencer à « s’aimer tel qu’il est ». Il s’agit donc beaucoup plus d’un changement d’attitude que d’un changement de comportements. Nos comportements sont notre écorce extérieure : quand le cœur change, ils suivent eux aussi.
La thérapie, à son meilleur, devrait être une entreprise de désubjectivisation (une entreprise qui va montrer la réalité), c’est-à-dire un endroit où un être éclaircit suffisamment sa vie personnelle et ses mobiles propres pour en réaliser la structure commune et universelle. Le détachement par rapport à soi qui se produit alors permet à un individu d’être libre de lui-même. Il peut s’engouffrer sans crainte dans les réalités multiples de son être et de sa vie, et prendre plaisir au miracle d’être humain et de vivre.
Certains jours, nous regardons la vie avec nos lunettes de vieillard, alors tout nous semble pénible. D’autres jours, nous l’entrevoyons à travers nos lunettes d’adolescent, tout nous semble alors possible. Nous arborons parfois un regard meurtri, ou un regard enjoué. Quelque fois, nous avons les yeux du penseur, d’autres fois, ceux du sensitif. Il s’agit de différencier ces regards pour qu’une nouvelle flexibilité psychique puisse voir le jour. Nous pouvons même en arriver à choisir nos lunettes selon les événements. La différentiation psychologique demeure le meilleur garant de la liberté.
Arès le guerrier, Hermès le diplomate, Apollon le sage, Aphrodite la sensuelle, Déméter la généreuse, Athéna la guerrière intellectuelle… tous et toutes nous demandent d’entrer dans leurs danses. Ils peuvent nous apporter joie et bonheur, mais ils peuvent aussi nous damner. Il n’en tient qu’à notre attitude.
Chacun, chacune possède son propre mystère, chacun, chacune règne sur une dimension du réel et nous appelle à la découverte de la vie. Tant que nous ignorons avec qui nous dansons, nous sommes comme des marionnettes au bout d’un fil, agités malgré nous par d’invisibles maîtres. Cela nous délivre non seulement de la rigidité dans nos façons de vivre le masculin, mais cela nous délivre aussi de l’épineuse question des différences sexuelles.
Les hommes sont « forts et intellectuels » et les femmes sont « sentimentales, sensibles et vulnérables ». Cela a pour conséquence que si un homme se sent soudain fragile et au bord des larmes, il se sent automatiquement « moins homme ». Comme si tout à coup il était jeté en dehors de sa propre peau et se trouvait diminué parce qu’il se sent plus « féminin ». Il y a un terrible mépris de la femme dans une telle attitude. Malheureusement il s’agit d’une méprise qui afflige toute notre culture.
La vulnérabilité, les sentiments, l’intellect, la force, le courage n’appartiennent ni aux hommes ni aux femmes. Ils sont l’héritage commune de l’humanité. L’émotion appartient à tous les êtres humains.
Se paterner
Nos pères sont absents.
L’organisation sociale patriarcale qui a permis aux générations mâles précédentes de se tenir debout s’érode, et les rites initiatiques n’existent plus. Pourtant la soif d’une présence paternelle demeure inscrite en nous. Nous connaissons un problème d’identité qui nous dépasse et auquel nos aînés ont pour seule et unique réponse : « Serre les dents, ça va passer ». Ils ne comprennent même pas de quoi nous parlons. Certains d’entre nous trouvent dans une carrière importante aux yeux du père une compensation pour étancher leur vide intérieur. D’autres ont la chance de rencontrer des pères de substitut. Mais force est d’admettre que longtemps le désir profond d’une reconnaissance par le père demeure dans un homme. Il faut donc faire le deuil du père idéal et pardonner à son père réel. Il y a donc lieu de nous arrêter et de réfléchir à nos attentes par rapport à notre père. Notre désir est insatiable parce qu’au fond nous recherchons une reconnaissance par un père archétype, un père qui aurait toutes les qualités possibles et imaginables. Nous le voudrions sportif, capable de nous initier à l’exercice physique. Nous le voudrions amant de la nature et nous ayant initiés à la chasse et à la pêche. Nous le souhaiterions intellectuel, nous ayant amenés à lire et à réfléchir. Nous l’aimerions artiste, nous ayant ouvert les yeux sur les merveilles de l’imaginaire. Nous le voudrions parfois père autoritaire et ferme, père-compagnon, …
A la vérité, de telles exigence dépassent les capacités de tout être humain. Nous exigeons de nos pères ce qu’ils ne peuvent nous donner. Ils ne sont pas des dieux, ce sont des hommes. D’ailleurs, les initiations tribales ancestrales n’étaient pas l’affaire du seul père personnel, mais des pères de la tribu. Un homme a besoin de plusieurs modèles masculins pour parvenir à sa propre individualité. Le fils adulte doit accepter de faire le deuil de ses idéaux de paternage. C’est dans ce deuil qu’il apprendra à se paterner et à remplir son vide par la créativité. Passer du fils à l’homme signifie cesser de se plaindre et d’appeler ce père idéal pour se laisser appeler par cet idéal lui-même. La tâche de ceux qui ont tant manqué de père est de devenir les pères qu’ils ont désiré avoir. Qu’ils deviennent les pères d’enfants réels ou d’enfants culturels, peu importe. Dans le domaine psychologique, nous pourrions dire que nous ne pouvons donner réellement que ce que nous n’avons pas reçu. C’est là que réside le mystère de la créativité humaine.
Stephen Shapiro dit : « Nous avons remarqué qu’accepter de souffrir la fin d’une illusion de sollicitude parfaite de la part d’un père est ce qui permet à un homme d’émerger du trou laissé par le père absent et de le remplir par sa propre présence ». Le vide produit en nous par nos pères manquants nous donne la chance de devenir homme, à condition d’en finir avec nos lamentations perpétuelles et de nous prodiguer nous-mêmes les soins et l’attention que nous avons attendus en vain.
Il nous est difficile de pardonner à nos pères, tant il nous semble qu’ils ont fait preuve de pure lâcheté, tant il nous semble qu’ils nous ont trahis et désertés. En réalité, la plupart du temps, ils ont fait leur possible. Ils ont été de bons protecteurs et de bons « gagneurs de pain » dans plusieurs cas, et ils se sont sacrifiés pour payer nos études. Mais ils n’étaient pas là pour nous parler et pour nous guider. C’est comme ça, on ne peut rien y changer. Oui il y a eu un manque. Oui nous sommes restés pris trop longtemps dans les jupes de maman à cause de cela. Mais le temps est venu de pardonner. « Le silence de nos pères représente soit une tentation de céder à la rage soit une occasion de parler. Le choix est nôtre ».
« La dénigration contemporaine des pères et de l’autorité est faite de la mythologie d’un papa absent et idéalisé, du fait que nous nous accrochons amèrement à des sentiments de trahison et d’abandon, d’un refus de souffrir la présente situation et d’un empressement infantile à nous rebeller contre nos propres engagements. »
Shapiro dit que notre vision d’un père absent est mythologique en ce sens qu’elle est le produit d’un complexe paternel négatif qui nous fait voir uniquement les manques de nos pères et qui nous fait oblitérer leurs bons côtés. Il est vrai qu’il est difficile de mettre de côté nos douleurs pour nous ouvrir à l’amour que nos parents ont eu pour nous. Il nous est presque douloureux de réaliser leur générosité et l’ampleur de leur sacrifice à notre égard.
Nous n’aimons pas nous laisser toucher par leur affection et nous refusons souvent de la comprendre au-delà de leur silence.
Comment guérir le père blessé en soi-même ?
Il faut explorer en profondeur le passé du père pour en arriver à comprendre sa souffrance et développer ainsi une empathie qui pourra aider son fils à lui pardonner. Il faut abandonner le mythe d’un père idéal et de tolérer la solitude ainsi engendrée.
Les dialogues imaginaires avec un père mort ou trop lointain peuvent produire un bienfait réel. Ces dialogues peuvent prendre la forme de lettres ou de jeux de rôles psychologiques. Ils peuvent devenir une occasion d’exprimer la rage, la colère et la déception qui perdurent. Ils permettent ainsi d’objectiver cette peine et de mieux l’accepter. Ces échanges aident un être à sortir de la prison de l’inconscient et à transformer en souvenirs ce qui brûle encore au présent.
Briser le silence du père
Le silence du père est devenu le nôtre. Nous avons été enrôlés dans cette mafia du silence héréditaire, mais la conscience de notre propre souffrance et de celle de nos pères devrait nous permettre de ne pas le transmettre. La tâche des nouveaux hommes est de briser les générations du silence masculin. C’est peut-être l’acte le plus véritablement révolutionnaire que nous puissions accomplir.
Ceux qui en ont encore la possibilité doivent entreprendre un dialogue avec leur père réel, malgré les peurs et les frustrations que cette tentative peut engendrer, malgré les déceptions ou les rejets qu’elle pourra apporter. Nous devons nous battre pour ne pas sombrer dans le silence de nos pères et essayer de combler le fossé qui nous sépare d’eux. En comblant ce fossé, nous mettrons du baume sur cette affreuse division qui existe entre l’esprit abstrait et désincarné des hommes et ce monde de plus en plus cruel. Le temps est venu de dire nos vulnérabilités, nos besoins profonds et nos violences intérieures.
Le temps est venu de dire nos visions. Le temps est venu de partager et de nous montrer tels que nous sommes, de nous compromettre et de devenir réel aux yeux de ceux qui nous entourent.
Il est enfin arrivé, le temps de parler.
Survol historique
La notion d’un père présent sur le plan affectif, d’un père personnel, d’un papa, si vous préférez, est nouvelle. Elle apparaît dans la culture uniquement au tourant des années 60 en Occident. Dans l’antiquité romaine et grecque, un homme avait plusieurs femmes et choisissait lui-même les fils dont il serait responsable. En l’an 400, le clergé a obligé les prêtres, qui avaient aussi femmes et familles, à choisir une épouse officielle et à pourvoir aux soins des enfants de cette unité familiale. C’est l’origine de la famille et le début balbutiant d’un père personnel. A cette époque, on vivait en clans familiaux regroupant plusieurs générations sous le même toit. Un clan est « un ensemble de familles associées par une parenté réelle ou fictive, fondée sur l’idée de descendance d’un ancêtre commun. Même si leur affiliation exacte n’est pas connue, tous les membres d’un clan connaissent cette origine qui prend un caractère mythique ». Les avantages d’une telle organisation résident dans le fait que les enfants côtoient de la sorte plusieurs figures paternelles. Cette manière de vivre et de concevoir la famille va subsister jusqu’à la Révolution française en 1789. Il est à noter que les « devoirs » du père ne sont inscrits dans un document officiel pour la première fois qu’à la toute fin du XVIIIe siècle, dans la Constitution française pos-révolutionnaire. Ces devoirs sont ceux de pourvoir, c’est-à-dire d’apporter abri et nourriture, et de corriger, c’est-à-dire de discipliner.
La famille nucléaire telle que nous la connaissons, à savoir une unité familiale réduite aux parents et aux enfants non mariés, est née sous la pression de la révolution industrielle. En Angleterre d’abord, et de façon croissante en Europe à partir du milieu du XIXe siècle, l’industrialisation fait progressivement basculer une société à dominante agraire et artisanale vers une société commerciale et industrielle. Comment cela influence-t-il l’organisation des familles et la fonction paternelle ?
La transposition, dans les entreprises, du modèle agricole, où les adultes comme les plus jeunes participent aux mêmes travaux, entraîne la mort de plusieurs femmes et enfants dans les manufactures. En effet, le travail exigé y est beaucoup trop dur pour eux. Pour remédier à ces nombreux décès, les grandes corporations capitalistes créent les premières allocations familiales. Les femmes ont ainsi la possibilité de rester à la maison et de s’occuper des enfants, qui pourront se mettre au travail, à la puberté, plus vigoureux et en meilleure santé. Si l’on ajoute à ce facteur la mobilité de la main-d’œuvre, les masses de travailleurs se déplaçant en effet au gré des besoins des usines, on assiste peu à peu à la déstructuration des familles claniques et à la création de familles nucléaires, avec le père, la mère et leurs enfants sous le même toit. Mais, facteur d’une importance capitale, ces familles sont maintenant isolées dans un milieu urbain.
Autre fait notable : dans cette nouvelle famille, un membre est manquant : le père. C’est maintenant lui seul qui assume les longues périodes de travail journalières, à l’extérieur de la maison. Il s’absente même parfois pendant des semaines entières dans les régions minières, voire des mois dans les zones à vocation forestière.
A dire vrai, c’est maintenant que le père personnel est en train de naître sur la terre. Paradoxalement, cette naissance a lieu non seulement dans les familles unies, mais aussi dans des familles recomposées. C’est donc dire leur fragilité. S’il y a éclatement de cette cellule et qu’en plus on se retrouve sous le seuil de pauvreté, sans le soutien de parents proches ou de liens sociaux de qualité, le drame pointe à l’horizon.
Ce survol historique visait à faire entrevoir la nouveauté du père personnel dans notre culture et à illustrer le contexte difficile dans lequel il naît.
A quoi sert le père ?
La première fonction paternelle qui a été soulignée à grand renfort de textes par la psychanalyse est celle de séparer l’enfant de la mère et de séparer la mère de l’enfant. Lorsque le duo mère-enfant devient fusionnel, cette fusion se défait souvent à travers la violence. Le duo risque de se transformer en duel dès que l’un des membres a des velléités d’autonomie importantes. Sinon, c’est le contrôle et l’autorité qui prennent le dessus.
Donner naissance à l’intériorité du fils
Plus finement, au niveau intrapsychique, la présence du père permet de donner naissance à l’intériorité du fils. En bloquant le désir fusionnel de ce dernier, la présence paternelle permet au garçon de prendre conscience du désir comme un fait psychique en soi. Elle lui apprend à séparer le désir de l’objet du désir. Elle l’aide à comprendre que, dans la vie, il ne peut pas toujours obtenir satisfaction et que personne n’a à être esclave de ses désirs. Le principe de réalité cher à Freud prend ainsi sa place dans le monde de l’enfant. La loi paternelle neutralise le fameux complexe d’Œdipe en permettant au garçon de comprendre que sa mère n’est pas seulement sa mère et qu’elle existe en dehors de lui, et lui, en dehors d’elle. En compensation de cette véritable perte, le père offre sa présence rassurante.
Si l’élan du fils est toujours satisfait, cette prise de conscience de la séparation nécessaire entre le désir et l’objet du désir risque de ne pas se faire. Au lieu d’acquérir progressivement la capacité de se contenir, l’enfant réagira à la frustration par des caprices et par des comportements d’agressivité de plus en plus importants. Son impulsivité risque de devenir sans limites. L’intériorité permet en effet de développer une certaine tolérance aux tensions psychiques provoquées par les conflits inévitables avec autrui. On comprend ainsi comment les familles à un seul parent peuvent facilement se mettre en danger, surtout si le parent tente de répondre aux frustrations du jeune en renforçant les satisfactions fusionnelles. Les freudiens ont d’ailleurs proposé un concept pour parler des enfants qui ont pour ainsi dire « manqué » de frustration : ils parlent de la frustration de la frustration !
Le fait d’avoir un monde intérieur se révèle d’une importance capitale, notamment en ce qui a trait aux impulsions colériques qui traversent tout individu qui éprouve des frustrations importantes. L’intériorité permet de se distancier de ce qui se passe en soi, ouvrant la possibilité d’un dialogue intérieur. Elle favorise aussi un rapport plus libre avec ce qui se passe en dehors de soi, entre autres choses en ce qui concerne le poids contraignant des images sociales. Sans réalité psychique consciente, un garçon, et plus tard un homme, demeure esclave de son milieu extérieur. Autrement dit, être collé à ce que l’on ressent, sans espace de négociation intérieure, signifie du même coup être submergé par les stéréotypes de sa culture.
Prenez les nombreux cas de violence conjugale. Des hommes finissent par se sentir désespérés et impuissants au point que seule la violence leur semble une réponse adéquate. Ils ne sont pas habitués à contenir leurs humeurs et s’identifient à elles. Ils se sentent submergés par ce qu’ils ressentent, ils sont incapables de « se parler » ou de contrôler ce qui se passe en eux et perdent la maîtrise de leur agressivité. Ils veulent que le tourment intérieur s’arrête et tentent de retrouver un semblant de paix intérieure en agressant la personne qui leur paraît être la source du conflit. Ils en arrivent à commettre des actes vraiment destructeurs envers leur femme, leurs enfants, ainsi qu’envers eux-mêmes. D’ailleurs, les cas de violence conjugale se produisent souvent lorsqu’un individu se sent humilié, écrasé ou dévalorisé. Une femme part avec les enfants sans laisser d’adresse, son conjoint a l’impression de perdre la face, et le drame éclate dans les faits divers des journaux.
Humaniser le masculin, c’est permettre au fils d’être humain à son tour
La présence du père offre la chance d’humaniser le masculin. En cette ère de superhéros, où les enfants en bas âge imitent déjà les attitudes de Batman ou de Spiderman, il est très pratique d’avoir un père qui affiche non seulement des forces, mais aussi des faiblesses, qui montre sa sagesse, mais aussi son ignorance, bref un père humain. Cela permet de l’aimer et de le haïr à la fois, d’imaginer s’en détacher tout en voulant être proche de lui. Mais surtout, cela permet de ne pas être simplement prisonnier des images préfabriquées de la culture dominante.
Le fait de ne pas avoir eu de père projette souvent le garçon dans un monde où il souhaite être un Rambo ou Superman pour exister aux yeux des autres, à moins qu’il ne choisisse le chemin de la délinquance ou de la criminalité pour incarner une autre sorte de héros. De toute façon, il se retrouve aux prises avec les mythes de la culture masculine, et cela sans médiation. Ces mythes ont la vie dure : ne pas demander d’aide, même si on en a besoin, et régler ses problèmes tout seul sans en parler à personne. Tout cela pour mériter sa place au panthéon de la masculinité pure et dure…
Un père empreint d’humanité s’interpose entre les stéréotypes de la culture ambiante et l’adolescent. Ses forces et ses faiblesses, sa vulnérabilité et sa sensibilité relativisent les puissantes images transmises par les médias. Le père suffisamment bon, suffisamment responsable et capable de fournir des balises, autorise l’adolescent à posséder lui-même des forces et des faiblesses. Il lui donne la possibilité d’exceller dans certains domaines et d’être moins bon dans d’autres sans que cela soit un drame.
Enfin, il lui permet de ne pas devenir l’esclave de fantasmes de grandeur qui condamnent à une vie d’excellence ou d’échec.
Le père comme tuteur et comme éducateur
Qu’il soit garçon ou fille, l’enfant a vraiment besoin d’être accompagné dans certains apprentissages. Cette fonction éducatrice a été reconnue de tout temps. Suivant le sens étymologique du mot éducation, il s’agit de « tirer l’enfant hors de », hors du monde fusionnel, hors de l’espace familial, hors de la dictature du « tout sécuritaire » qui règne souvent dans l’enfance. L’enfant a aussi besoin de quelqu’un qui agit comme tuteur, de quelqu’un qui soutient le développement par sa présence.
Ces fonctions de transmission et de soutien sont souvent négligées par les pères. Bizarrement, c’est quelque chose que les gangs de rue et les groupes de motards criminalisés ont compris. En général, ils recrutent dans la rue de jeunes hommes qui connaissent déjà la précarité et l’insécurité. Pendant quelques semaines, un jeune cheminera avec un senior de la bande, qui lui apprendra comment proférer des insultes, se défendre, donner des coups et en recevoir. Il lui enseignera aussi les codes de reconnaissance du groupe. Bref, ces groupes criminalisés offrent aux jeunes des tuteurs qui les accompagnent dans l’acquisition de certaines habiletés. Il est tout de même étonnant de constater que des chefs de gang ont saisi ce que bien des pères s’acharnent à ne pas vouloir comprendre, à savoir que les enfants ont besoin d’une présence paternelle et protectrice qui leur donne de l’attention et des formations spécifiques.
Heureusement, il existe aussi des pères qui réagissent de manière adéquate aux difficultés relationnelles qu’ils éprouvent avec leurs fils. L’un d’eux m’a raconté l’anecdote suivante : « J’ai deux ados, un de 16 ans et un autre de 11 ans. Je ne sais pas trop quoi faire avec eux. C’est compliqué comme situation. Alors, j’ai eu l’idée de rassembler les pères de ma rue qui ont des ados eux aussi. Nous étions trois. Un après-midi, on a pris nos fils et on les a amenés dans la forêt pour faire une excursion. Nous nous sommes retrouvés autour d’un feu de camp. Au lieu de leur demander comment ils allaient, eux, nous leur avons parlé de nous, de ce que nous avons vécu quand nous avions leur âge. Qu’on ose parler ainsi de notre rapport à la sexualité, au travail et à la vie en général a fait en sorte que les vannes de leurs confidences se sont ouvertes. Ils se sont mis à nous confier des choses de leur vie d’ados. Dans ce court après-midi, nous avons réussi à établir un dialogue avec nos enfants. Il suffisait de créer une occasion spéciale où notre attention leur était complètement offerte. »
Nous constatons ici la force du groupe des pères accueillant le groupe des jeunes. Sans le savoir, ces papas retrouvaient le chemin des initiations tribales. Cette façon d’agir est efficace, car, en réalité, les garçons ont besoin de plusieurs figures paternelles. Ainsi, à l’adolescence, mon meilleur ami venait passer une soirée de temps à autre avec mes parents en mon absence. Il trouvait mon père de très bon conseil, alors que moi, je le trouvais complètement dépassé. En fait, le véritable papa est celui qui accepte de prendre psychologiquement soin de l’enfant. Ce n’est pas nécessairement le père génétique. Un père de substitution est souvent préférable à un père abandonneur, abuseur ou trop négligent. Certaines recherches font même état du bénéfice associé à la présence d’un ami homosexuel, proche de la mère, et désireux de s’occuper d’un enfant. Il peut ainsi devenir un véritable tuteur pour le garçon.
L’éducation concerne également la transmission des valeurs, un aspect auquel nous pensons peu souvent. L’American Psychology Association (Association américaine de psychologie) a mené une enquête en ce sens. On a demandé à des enfants de noter, sur une échelle, les qualités qu’ils trouvaient les plus importantes chez un père. À la grande surprise des chercheurs, le père qui donne un sens à la vie et transmet des valeurs spirituelles venait en deuxième place, alors que la question de la transmission des valeurs avait été classée au septième ou au huitième rang dans les hypothèses de travail.
Le parent entraîneur
Claire Leduc est travailleuse sociale et thérapeute en relation conjugale et familiale. Elle a créé un concept très intéressant qui s’appelle le « parent entraîneur », ou encore le parent comme coach. Tentant d’échapper à la dichotomie qui oppose les pères et les mères, elle se dit qu’un parent est d’abord et avant tout quelqu’un qui doit jouer deux rôles à la fois : un rôle affectif et un rôle éducatif.
Elle observe, par exemple, que, dans des situations problématiques, lorsqu’un parent est plutôt situé dans le pôle affectif, non seulement il va rester dans l’affectivité, mais il peut aller jusqu’à devenir « débonnaire » et ne plus imposer de limites ni fixer de règles. Si, au contraire, le parent a une tendance plutôt éducatrice, devant les obstacles, il penchera du côté « autoritaire » et adoptera des mesures disciplinaires.
Ces deux dangers guettent les pères et les mères, selon elle. En effet, pas besoin d’être un spécialiste pour constater que, dans les querelles de famille, les modes affectif et éducatif s’opposent et que, devant la difficulté, l’un devient débonnaire et l’autre, autoritaire. Le concept de Claire Leduc aide à évaluer le pôle naturel de chaque parent et facilite le développement de l’aspect opposé. L’affection seule ne convient pas pour éduquer des enfants, mais l’éducation et la discipline seules ne sont pas appropriées non plus.
Conclusion
Il y a 3 naissances dans la vie d’un homme. Il naît de sa mère, il naît de son père et, finalement, il naît de son soi profond. Il s’agit de la naissance de l’individualité. Le deuil des attentes irréalistes que nous adressions à nos pères et la solitude que ce deuil nous oblige à assumer nous libèrent. Cette souffrance même sert de mutilation initiatique et elle nous renvoie à la réalité du monde objectif : l’univers devient notre nouvelle niche.
Si nous ne retrouvons pas un sentiment d’appartenance profonde et de solidarité avec l’humanité et avec l’univers entier, qu’il soit minéral, végétal ou animal, nous ne survivrons pas. Les belles théories n’y feront rien. Le temps est venu de nous regarder en face et de décider si nous voulons continuer. La décision est entre nos mains. Si nous ne parlons pas, nous ne survivrons pas.
La révolution des hommes, leur guérison, passe nécessairement par la redécouverte d’une spontanéité psychique et physique. Le recouvrement de la vitalité vient de la pratique d’une religion naturelle, faite simplement de la culture d’un sentiment d’unité et d’appartenance à la terre. Nous sommes des terriens, et la terre est la matière première de notre bonheur.
Le changement passe par la récupération de nos émotions et de nos sensations corporelles, organiques, ces dimensions en nous-mêmes dans lesquelles nous avons, à tort, enfermé la femme.
Finalement la transformation réside dans la reconnaissance de la sagesse de l’instinct. Il s’agit de ré-apprendre à faire confiance à l’animal en nous. Il s’agit d’abandonner notre orgueilleuse illusion de contrôle qui oppresse tous les êtres de cet univers.
Poème amérindien
La pierre n’a besoin ni du soleil ni de l’eau pour vivre,
Les plantes ont besoin de l’eau, de la terre, du soleil, des pierres pour exister,
Les animaux ont besoin des plantes, des pierres, de l’eau, du soleil et de la terre pour subsister,
Les hommes ont besoin des animaux, des plantes, des pierres, de la terre, de l’eau et du soleil pour survivre,
L’homme est donc le plus dépendant de tous les êtres.
Merci à Guy Corneau pour ce livre qui va certainement aider de nombreux hommes à voir plus clair dans leurs comportements.
Merci à Alysson Detilleux pour les illustrations @aly_dessin
